Et si Steam était en train de contribuer insidieusement à la mort du marché des jeux vidéo sur ordinateurs ? C'est en tout cas ce qu'affirment deux grosses enseignes digitales et deux revendeurs de produits physiques britanniques. Pour les premières, la clause de non-concurrence imposée par la plateforme de Valve est tout simplement en train de mettre à mal le marché et de tuer toute forme de concurrence. Selon la bonne vieille logique populaire qui dit, bien souvent trop rapidement, qu'une situation de monopole n'est jamais bonne pour le consommateur, il serait urgent d'ouvrir le marché de la délocalisation à d'autres acteurs. Et ce sont les concurrents souffrant directement de Steam qui le disent !
Pour y remédier, les deux enseignes digitales, dont le nom est inconnu, souhaiteraient tout simplement que les éditeurs leur mettent à disposition des versions « libres » de leurs produits pour ajouter ces titres à leur catalogue.
Du côté des revendeurs physiques, ceux-ci critiquent notamment la nécessite de lier certains jeux à un compte Steam. A terme, pourquoi le client irait-il chez eux si, de toute façon, il doit « activer » sa clé via la plateforme des développeurs de la saga Half-Life ? Les menaces commencent à émerger : les enseignes britanniques assurent qu'elles finiront par ne plus proposer les jeux des éditeurs qui comprennent une telle obligation. Un sacré manque à gagner pour elles si elles décident de suspendre la vente de blockbuster tel que Call of Duty : Black Ops qui est justement concerné par cette question.
Plus que jamais, la dématérialisation est au coeur des réflexions sur l'économie vidéo-ludique.
Il faut noter que Valve s'est très précocement lancé sur ce marché par rapport à ses concurrents et a ainsi pu faire évoluer de manière très intéressante sa plateforme, aujourd'hui disponible même sur Mac, support délaissé par les jeux vidéo sortis de quelques rares titres dont ceux de Blizzard jusqu'à il y a quelques temps.
Si nous évoquons relativement régulièrement les possibles concurrents à Steam et les réticences que provoque la situation quasi-monopolistique de la plateforme de Valve, il convient de nuancer le raisonnement trop simpliste selon lequel cette domination est complètement néfaste pour le marché du jeu vidéo PC.
Certes, pour rappeler quelques chiffres, Steam compte 25 millions de comptes, plus de 1 000 titres et pèse 80% des ventes dématérialisées. La situation peut paraitre préoccupante. Ne nous leurrons pas : Valve impose ses conditions à ses partenaires. En même temps, n'est-ce pas les éditeurs eux-même qui ont choisi la solution de facilité en déléguant à Steam le travail de distribution dématérialisée ? Ils ont beau essayé de combler leur retard et de se relancer dans la course (Games for Windows par exemple), Valve a pris beaucoup d'avance et a su développer ses services grâce à eux.
En outre, la situation est-elle réellement très mauvaise ? Ne pourrions-nous même pas aller jusqu'à supposer que Valve, plutôt que de tuer le marché vidéo-ludique sur ordinateurs, n'est pas en train de le relancer ? Si l'abadonware en a pris un coup dans l'aile, les oldies retrouvent une seconde jeunesse grâce à Steam. Les visiteurs, eux, bénéficient d'un catalogue qui s'enrichit régulièrement et qui propose bon nombre de titres indépendants introuvables dans la plupart des magasins. Enfin, le client souffre-t-il de la domination actuelle ? Oui, des titres sont plus chers sur Steam qu'ailleurs. Mais les très nombreuses offres ne compensent-elles pas le problème ? La concurrence peut avoir du bon mais le monopole n'est pas un démon absolu et s'impose parfois dans certains secteurs de l'économie, notamment ceux nécessitant de lourdes infrastructures. Si le concept de dématérialisation s'impose, peut-on envisager la coexistence de deux, trois voire quatre concurrents ? Les coûts en terme d'infrastructure seraient-ils tenables ? N'ayant pas la réponse à cette question, nous ne ferons ici que la poser.
Lors de notre interview avec Jean-Claude Larue réalisée lors du Paris Games Week, le secrétaire général du Syndicat des Editeurs de Logiciels de Loisir revenait sur le phénomène de la dématérialisation (voir la vidéo à 3'45"). S'il expliquait que tous les éditeurs s'étaient penchés sur la question, il relativisait toutefois la situation : selon une étude GFK, 50% des ventes de jeux vidéo en 2014 le seront encore sous forme physique. Nous pourrions bien évidemment retourner la donnée et mettre en lumière que, justement, 50% des ventes seront dématérialisées et que la tendance est la croissance de ce type de consommation. La guerre ne fait que commencer, mais le soldat Steam semble pour le moment bien mieux armé.
3'45'' : Jean-Claude Larue parle de la dématérialisation
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